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ZONE

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Guillaume Apollinaire (1880 - 1918)
Extrait de Zone, premier poème du recueil Alcools

Biographie de l’auteur:

Guillaume Apollinaire est né le 26 août 1880. Après s’être forgé une solide culture ( connaissance de la Bible, des textes antiques, des légendes médiévales), il voyage en Allemagne , ce qui orientera sa sensibilité poétique. Les publications se succèdent et le nom de Guillaume Apollinaire s’impose tandis qu’il fonde sa propre revue ( le festin d’Esope). Le poète devient l’ami des peintres Picasso et Max Jacob, défendant l’esthétique cubiste et inventant le concept de «surréalisme». Lorsque la guerre de 14 éclate, il s’engage dans l’artillerie. Blessé à la tête par un obus, il rentrera à Paris en 1916 et mourra le 15 avril 1918 d’une grippe infectieuse.

Contexte (historique, social, artistique):

Le cubisme est apparu au début du vingtième siècle sous l’impulsion de peintres comme  Braque et  Picasso. Il s’agit d’un mouvement artistique qui se poursuit jusqu’en 1920. Les cubistes s’interrogent sur la représentation des volumes qu’ils soumettent à la géométrisation et souhaitent bouleverser la représentation du réel (on dessine à la fois de face et de profil). Quant à Guillaume Apollinaire, il superpose dans son poème différentes époques et différents thèmes: il s’agit également pour lui d’inventer une nouvelle façon de voir laréalité, de découvrir un nouveau langage poétique  qui correspondrait davantage à son époque malmenée par l’histoire.

 

Ce poème fut publié en décembre 1912 dans la revue Les Soirées de Paris. C’est en fait le derniers poèmes écrits par Apollinaire avant la publication d’Alcools en 1913 ; ce poème, d’abord intitulé « Cri », a été mis en tête du recueil pour le placer sous le signe de la modernité et d’une esthétique nouvelle.

« Zone » évoque une déambulation dans Paris : le poète y note ses sensations, ses souvenirs, mais rêve aussi de paysages imaginaires : le poème donne l’impression d’un kaléidoscope, d’associations d’idées, d’images entremêlées. Les images criardes du milieu urbain se mêlent aux sons dissonants, et la forme du poème (avec des rythmes heurtés favorisés par l’absence de ponctuation) répond à ce chevauchement d’idées et d’images.

La réalité contemporaine se mêle aux souvenirs anciens, aux mythes (Icare) aux références bibliques.

Cette superposition d’images vues ou rêvées, de souvenirs fait penser au cubisme : en effet, le cubisme propose une vision simultanée de différentes facettes d’un objet. Cette vision sur plusieurs plans n’est pas objective mais dépend du regard du créateur qui construit des formes et des volumes nouveaux.

Apollinaire est très proche du cubisme qu’il a défendu dans le journal L’Intransigeant dès 1910. Il pense que la poésie, elle aussi doit s’affranchir de l’imitation du réel et doit reproduire plutôt une vision intérieure. On retrouve dans « Zone » la même préoccupation que les cubistes de capter dans un même élan les sensations et les images disparates sans que le poème perde son sens global. La syntaxe brisée du poète (le vers libre, l’alexandrin brisé, les coupes heurtées) suggère aussi l’idée de fragmentation.

À la fin tu es las de ce monde ancien

Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin

Tu en as assez de vivre dans l'antiquité grecque et romaine

Ici même les automobiles ont l'air d'être anciennes
La religion seule est restée toute neuve la religion
Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation

Seul en Europe tu n'es pas antique ô Christianisme
L'Européen le plus moderne c'est vous Pape Pie X
Et toi que les fenêtres observent la honte te retient
D'entrer dans une église et de t'y confesser ce matin
Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut
Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux
Il y a les livraisons à 25 centimes pleines d'aventures policières
Portraits des grands hommes et mille titres divers

J'ai vu ce matin une jolie rue dont j'ai oublié le nom
Neuve et propre du soleil elle était le clairon
Les directeurs les ouvriers et les belles sténodactylographes
Du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent
Le matin par trois fois la sirène y gémit
Une cloche rageuse y aboie vers midi
Les inscriptions des enseignes et des murailles
Les plaques les avis à la façon des perroquets criaillent
J'aime la grâce de cette rue industrielle
Située à Paris entre la rue Aumont-Thiéville et l'avenue des Ternes

G. Apollinaire

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